Monday, July 18, 2005

Faites très attention à Sarkozy !


"J'ai le devoir de protéger la petite famille dont je suis le chef ".
Phrase récente de Nicolas Sarkozy, Ministre de l'Intérieur en France. Je cite de mémoire car, à ma connaissance, aucun magazine n'a repris ces termes, incroyables mais vrais, d'une interview qu'il a donnée à l'occasion de problèmes familiaux qu'il a cru devoir commenter devant la presse.

Tout le monde le voit ambitieux. On le dit arriviste et obstiné. Cela ne me dérange pas: c'est esprit d'entreprise que de fixer des objectifs et de tout faire, avec persévérance, pour les atteindre. Ce mélange de vision, d'indépendance et de volonté est justement ce qui manque aujourd'hui aux Français. Et ce manque fait leur apathie et leur lassitude. Mais que les Français eux-mêmes en manquent ne signifie pas que la France doive se doter, au sommet, d'un "petit chef".

À la faveur d'une indiscrétion sur des difficultés familiales mal précisées, on a soudain vu l'homme. Et c'est proprement effrayant. Il est en général très contrôlé face à son public. Etait-il légèrement fragilisé? On ne le saura jamais. Mais de deux choses l'une: soit sa phrase est un aveu, un genre de lapsus échappé à l'occasion d'une faiblesse passagère, soit c'est une manœuvre populiste. Et dans les deux cas, il nous faut crier "Danger!"

"… la petite famille dont je suis le chef" !!
Soit c'est, justement, la source même de ses problèmes de couple. On voit mal en effet, la grande Cécilia se satisfaire longtemps d'un rôle de second couteau, aux côtés et au service de son "petit chef".
Soit c'est, de commun accord entre eux deux, tout calcul et stratégie populiste.
Que ce soit l'un ou l'autre, il faut que ce soit la fin des prétentions de l'homme politique.
Nous n'avons pas besoin, en Europe, de cow-boy inspiré et convaincu de sa légitimité essentielle, en déni de tout contrôle démocratique.

S'il croit sincèrement qu'il est, par son zizi, le "chef" de cette petite famille, il a en lui les dangereux fondements de la pire dictature: la conviction de sa supériorité, la compensation pathologique de sa petitesse et de sa faiblesse par le port orgueilleux, haut sur son chapeau, de l'étiquette de classification culturelle la plus primitive: "Mâle".
Et si c'est un calcul, c'est la preuve que sa stratégie populiste est déjà en marche: flatter, dans l'électorat français, tous les "beaufs", les frustrés, les impuissants, les mâles complexés et violents.

Un petit chef aussi manipulateur, capable de parler aux pires instincts des Français, qui soit aussi une bête politique intelligente et arriviste, le tout dans un contexte où l'extrême droite a ouvert, depuis plus de trente ans, des soifs inavouables pour finalement laisser le créneau vacant par manque de personnes à l'intelligence et au charisme suffisant pour assurer la relève, voilà les conditions remplies pour se faire élire légalement. Elu ou plébiscité sur la base d'un programme "clair et ferme", il aurait alors le pouvoir, très mal défini et mal bridé au sein de la Ve République, de réaliser ses projets: mettre en œuvre ses inspirations, ses visions, son autorité, ses chimères de grandeur et de puissance.
La France et l'Europe ont déjà connu ce genre d'aventures. N'oublions jamais!

Il est urgent de contrecarrer la brèche populiste ouverte par le recours immodéré au référendum. Il faut fonder sans tarder une VIe République qui permette aux politiques convaincus, sincères et compétents, d'accéder au pouvoir sans le support mafieux des appareils de partis. Ainsi de nouvelles générations de politiques, du style des Mendès, Barre, Delors, Strauss-Khan, Borlo ou Bayrou d'hier et aujourd'hui, pourront se voir confier, pour un temps limité, un pouvoir raisonnable, réellement contrôlé par les assemblées d'élus représentants du peuple.